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Motion concernant la mémoire (dé)coloniale et la lutte contre les discriminations - Forest

déposé par Magali Plovie (Ecolo-Groen), Nadia ElYoufsi (PS-SPa), Stéphanie Koplowicz (PTB), Laurent Hacken (CDH)

Depuis plus d'une dizaine d'années, de nombreux débats concernant l’histoire du colonialisme et, l’imaginaire qu’elle a généré anime la société belge. Cet imaginaire est caractérisé par de nombreux stéréotypes sur les descendants des colonisés renforçant les discriminations qui en découlent. Ces dernières semaines ont vu ces débats s’amplifier avec la mort de Georges Floyd, les manifestations antiracistes de par le monde, le transfert de certaines statues au Musée voire leur déboulonnement.


Il est essentiel que les institutions belges, à tous les niveaux, s’emparent de ces débats pour dénoncer la glorification et la propagande coloniale qui existent encore dans l’espace public, à travers ses voiries, ses bâtiments, ses œuvres architecturales, ses rues. En effet, notre espace public reste marqué par la glorification de la colonisation, rendant hommage à la "mission civilisatrice" de la colonisation belge, et, ce faisant, contribue à propager des stéréotypes et des discriminations.


Il importe de rappeler que le colonialisme était un système d’exploitation nécessitant la prétention européenne à la supériorité. Le racisme a légitimé l'exploitation et la domination coloniale de l'état indépendant du Congo et a été institutionnalisé au sein du Congo belge. Pour prétendre à une idéologie européenne supérieure, le racisme scientifique a été développé au cœur de l’ancienne métropole (sur la base des théories d'évolution et à travers le développement de l'anthropologie physique).


Un travail de la transmission de la mémoire et de l'histoire de la colonisation est un premier pas dans un long processus de justice par rapport aux crimes du passé colonial et post-colonial. C’est par ce travail que nous pourrons déconstruire les préjugés et combattre le racisme et les discriminations. C’est se battre pour l’égalité entre tou.te.s les citoyen.ne.s de ce monde. On ne peut pas envisager aujourd’hui les discriminations et le racisme sans revenir sur les années d’histoire coloniale et de relations post-coloniales qui n’ont pas laissé des traces uniquement dans le patrimoine urbain, mais également dans les mentalités.


Par ailleurs, il est grand temps dans nos écoles d’enseigner une histoire coloniale permettant de déconstruire dès le plus jeune âge le racisme, les inégalités entre les personnes, les préjugés...


La commune de Forest veut s’inscrire dans cette logique de déconstruction de la colonisation et développer de manière inclusive et en collaboration avec la Région bruxelloise un travail sur la mémoire coloniale, qui s’inscrit dans un contexte de lutte contre toutes les discriminations raciales.

MOTION concernant la mémoire (dé)coloniale à Forest et la lutte contre la discrimination

Vu la déclaration politique de la commune de Forest, souhaitant :

  • donner une place plus importante dans l’espace public forestois aux femmes et aux hommes qui ont lutté en Belgique et dans les pays colonisés pour la fin de la colonisation,

  • apposer des notices explicatives sur le patrimoine colonial,

  • intégrer dans le cadre des cours d'histoire des séances d'information et de sensibilisation sur la colonisation et la déconstruction de son imaginaire;

Vu la motion « commune hospitalière « votée le 24 avril 2018 et celle votée le 21 janvier 2019 en vue de faire de Forest une commune qui bannit le racisme et les discriminations, et qui souligne l’importance des valeurs de respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, de l’état de droit, ainsi que des droits humains, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ;


Considérant le travail actuellement en cours au niveau de la Région concernant la décolonisation de l’espace public et l’importance d’établir une collaboration avec celle-ci;

Considérant le travail de réflexion et de soutien aux initiatives de la société civile entamé dans des communes bruxelloises sur la décolonisation de l'espace public ;

Considérant les conclusions de plusieurs enquêtes et travaux scientifiques dont celles d'UNIA et de la Fondation Roi Baudouin sur la nécessité pour les autorités politiques de mener un travail structurel sur l'histoire et la mémoire coloniale belge afin de lutter efficacement contre les stéréotypes, les préjugés, les représentations et les discriminations qui touchent les personnes afro-descendantes ;

Considérant à cet égard les actions déjà entreprises par la Commune de Forest et le tissu associatif pour endiguer toutes formes de discriminations entre autre :

  • en mettant en valeur les associations afro-descendantes lors des commémorations de la seconde guerre mondiale afin de rappeler leurs contributions dans la victoire contre l’occupation nazie,

  • en soutenant les initiatives citoyennes via les subsides FIPI et de la cohésion sociale,

  • en organisant des rencontres avec des personnes âgées et des associations de jeunes afro-descendant.e.s luttant contre les discriminations.

Considérant les recommandations du Groupe de travail d'experts des Nations Unies sur les personnes d'ascendance Africaine lors de sa visite officielle en Belgique du 4 au 11 février 2019.


Demande au Collège:

  • de collaborer avec la Région pour établir un inventaire de toutes les sculptures, œuvres d’art, des noms de rue, … en lien avec la colonisation par un travail de réflexion mené avec le monde associatif, notamment afro-descendant, et le monde scientifique ;

  • de travailler à la mémoire coloniale et aux luttes contre les discriminations avec les citoyen.ne.s par des démarches participatives ;

  • d’examiner, sur la base de cet inventaire, du travail scientifique notamment celui mené au niveau fédéral (cfr.infra) et de ces démarches participatives, en collaboration avec le service de l’égalité des droits de la commune et les associations pour la mémoire coloniale, sans exclusive ni à priori, la manière la plus adéquate pour contextualiser les œuvres d’art, le noms des rues, les vestiges...:

  1. par un travail de contextualisation dans l’espace publique,

  2. par la possibilité de transformer les œuvres d’art par des créations artistiques,

  3. par un transfert dans un musée;

Ces démarches seront menées en concertation avec les travaux de la Région bruxelloise et du Parlement fédéral et viseront tant un travail de mémoire et de lutte contre le racisme, les stéréotypes et les préjugés, que celui de promotion de la pluralité des mémoires et de féminisation de l’espace public.

  • de mettre en lumière, dans le cadre de ces démarches, les résistant.e.s à la colonisation et de leur donner une place importante dans les différents projets;

  • de proposer aux jeunes forestois.e.s un travail pédagogique pour la mémoire coloniale dans un cadre plus large de lutte contre les discriminations.

Demande au Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles:

  • de soutenir et de plaider en faveur de l’intégration des éléments de l’histoire coloniale dans les référentiels et les programmes scolaires ainsi que de les soutenir par l’appui aux activités extra-scolaires utilisant l’espace public de cette matière ;

  • d’initier et de soutenir sur le plan culturel et de l’éducation permanente toutes les initiatives relatives à la mise en place d’un dialogue et d’une mémoire collective coloniale assumée entre les pays concernés.

Demande au Gouvernement Fédéral:

  • de confier à une équipe interdisciplinaire de chercheurs, la réalisation d'une étude scientifique approfondie:

  1. sur les exactions commises entre 1885 et 1962 et les responsabilités de l’Etat Belge en tant qu'Etat héritier de l’État indépendant du Congo (et de l’Etat colonial Belge) mais aussi de toutes les autres institutions publiques ou privées ayant pris part à ce phénomène et de mettre, pour ce faire, les moyens budgétaires nécessaires à leur disposition ;

  2. sur l'impact des activités économiques de l'Etat indépendant du Congo et l'Etat Belge et les activités post-coloniales des entreprises belges.

  • de faire, sur la base du rapport définitif, des recommandations et propositions au Gouvernement sur la façon la plus adéquate pour la Belgique de reconnaître la responsabilité des diverses institutions publiques et privées belges dans la colonisation, comme successeur de l'Etat indépendant du Congo et l’Etat colonial belge;

  • de reconnaître à travers des excuses à l’égard des pays colonisés et leurs descendants que la colonisation est par principe un système de gouvernance anti-démocratique et raciste qui a engendré de façon structurelle des crimes divers, sur lesquels toute la lumière doit pouvoir être enfin faite;

  • d’adopter, au plus vite, un plan d’actions interfédéral de lutte contre le racisme et les discriminations.

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