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Le non-recours aux droits sociaux et la sous-protection sociale.



Mon interpellation au Parlement sur le non-recours aux droits sociaux et la sous-protection sociale :



"L'Observatoire de la santé et du social de Bruxelles-Capitale a publié en 2016 une étude sur le non-recours aux droits sociaux. Nous vous avions interpellés à ce sujet, car si une bonne partie des droits sociaux prévus par le système de protection sociale belge sont du ressort de l'État fédéral, la Cocom et la Région disposent aussi de quelques leviers dans ce domaine.  Le rapport de l'observatoire est clair: un grand nombre de ces droits ne sont pas exercés et les prestations ne sont pas demandées. Les experts nous indiquent qu'une très forte conditionnalité peut éloigner les potentiels bénéficiaires des démarches d'ouverture. Ils estiment aussi que beaucoup de personnes ignorent l'existence même de ces droits. Et c'est à ce niveau qu'une action efficace peut être menée dans le cadre des compétences de la Cocom: comprendre les mécanismes, identifier les besoins en accompagnement social et organiser des campagnes d'information et de prévention. Lors d'un précédent débat, vous aviez évoqué des pistes concrètes, comme le travail des coordinations sociales, que vous souhaitiez mieux soutenir et consulter sur cette question du non-recours aux droits.Comment avez-vous progressé depuis l'année passée ? Quelles pistes concrètes se dégagent-elles sur ce point parmi les coordinations sociales ? Vous aviez aussi évoqué le recours à des outils de "poverty mainstreaming" intégrant la dimension de la pauvreté à toutes nos politiques. Cela permettrait de prévenir les effets négatifs sur la pauvreté et, donc, sur la sous-protection sociale. Tout un travail avait déjà été mené lors des précédentes législatures sur les indicateurs d'impact sur la pauvreté. Vous aviez affirmé que vous souhaitiez aller plus loin, avec volontarisme, et lancer un processus d'adoption d'une ordonnance mettant en place un test d'impact de pauvreté. Où en est ce projet d'ordonnance ? Mon collègue Alain Maron vous avait également fait part d'une proposition liée au précompte immobilier, à propos duquel nous avons déposé une proposition de résolution. Vous savez que les familles ont droit à une réduction du précompte immobilier, y compris les locataires. Or, nous constatons une très forte et notoire sous-utilisation de ce droit à la réduction du précompte, surtout chez les locataires. Cette sous-utilisation est notamment due à l'absence d'informations et d'automatisation. Or, cette réduction du précompte pourrait être automatisée, dans la mesure où la composition du ménage et le nombre d'enfants sont des éléments connus. Ce serait un premier pas vers l'automatisation, dans un domaine où la Région est compétente.  Une autre opportunité nous est offerte avec la régionalisation des allocations familiales. L'exemple flamand lie les bourses d'études et l'octroi des allocations familiales. L'accès aux études supérieures pour la population pauvre ou les classes moyennes inférieures est un enjeu important à Bruxelles, où le coût des études et du logement est élevé. Il faut donc soutenir les bourses d'études. Une réflexion concertée avec les Communautés, qui restent compétentes pour les bourses d'études, s'impose. Il est en effet important de lier ce dossier à celui des allocations familiales et de faire en sorte que ce droit soit automatisé.Aujourd'hui, un certain nombre de familles n'introduisent en effet pas de demande. Vous ne pouvez pas réaliser cette automatisation seule, mais en accord avec les Communautés. La Flandre a déjà avancé de son côté. La Cocom, quant à elle, pourrait conclure des accords de coopération avec les deux Communautés pour les bourses d'études.En tout cas, une volonté politique en ce sens serait déjà la bienvenue. Avez-vous envisagé ce lien dans les propositions sur la table en matière d'allocations familiales ?"


La réponse de la Ministre Céline Frémault, membre du Collège réuni :


"L’affirmation peut paraître un peu brutale, mais vous serez d’accord avec moi pour dire que la lutte contre la pauvreté est avant tout une question de revenus. C’est une question d’ouverture de droits sociaux, ce qui est synonyme, la plupart du temps, d’ouverture d’allocations ou de revenus de substitution. Néanmoins, comme vous le soulignez, ma marge de manœuvre est relativement limitée: une bonne partie des droits sociaux prévus par le système de protection sont du ressort du pouvoir fédéral. Ainsi en est-il des conditions de leur obtention ou des montants octroyés. Au demeurant, vous connaissez très bien le schéma de structuration.  Ceci étant dit, il existe une sphère de la protection sociale sur laquelle l’influence des politiques communautaires peut avoir un impact certain en matière de lutte contre la pauvreté: l’effectivité de ces droits. Certes, nous ne fixons pas le montant des revenus d’insertion sociale, ni des autres allocations octroyées par les CPAS. Nous ne pouvons que "subir", au niveau bruxellois, les effets des différentes réformes en matière d’allocation de chômage et de réductions des prestations. Par contre, nous pouvons veiller à ce que les ayants droit n’y renoncent pas, à ce qu’ils mobilisent à Bruxelles leurs possibilités d’être aidés et à ce qu’ils parviennent à suivre un parcours d’inclusion sociale. Aucun travail d’inclusion n’est envisageable sans l’ouverture de ces droits prévue par notre système de protection. Le rapport de l’Observatoire de la santé et du social de Bruxelles-Capitale est clair : beaucoup de ces droits ne sont pas utilisés et des prestations ne sont pas demandées. Une forte conditionnalité, et une ignorance considérable, peuvent éloigner également les potentiels bénéficiaires.  Des pistes concrètes doivent être explorées et c’est pour aller dans cette direction qu’en 2016, j’ai lancé un appel à projets, que vous citez, à l’attention des coordinations sociales des CPAS.Le but était d'explorer les pistes concrètes d'action de terrain. Les quatre projets sélectionnés par le comité d'experts ont tous produit des analyses intéressantes et des pistes de solution. Il est toutefois certain que nous en sommes encore au stade du diagnostic et que des actions plus concrètes doivent être menées. Un enseignement qui ressort des conclusions des quatre projets est que tous les travailleurs sociaux impliqués estiment nécessaire d'être informés davantage sur la manière d'éviter les comportements de non-demande parmi les bénéficiaires. Dans certains cas, bien involontairement, des comportements ou des phrases prononcées dans le but d'accompagner les bénéficiaires vers l'ouverture des droits peuvent atteindre, en réalité, l'objectif inverse et induire des effets contraires de repli et d'abandon des démarches. Alors qu'un travailleur social espère, en toute bonne foi, accompagner au mieux l'usager, ce dernier interprète cette intervention comme un contrôle ou une évaluation. L'exemple classique est celui de l'envoi des documents et formulaires par recommandé. Le travailleur social veut s'assurer de leur bonne réception par le bénéficiaire, mais ce dernier, craignant une injonction ou un contrôle, ne va pas retirer le courrier. La démarche d'ouverture des droits est ainsi interrompue. Sur la base de ces enseignements, M.Smet et moi-même avons décidé de lancer de nouveaux appels à projets à l'attention des coordinations sociales. Ils auront pour objectif la co-construction de modules de formation permettant aux travailleurs sociaux d'identifier les meilleures pratiques en travail social pour un suivi positif des démarches d'ouverture des droits. Seuls les travailleurs sociaux et les bénéficiaires connaissent les actions à éviter et la manière de se maintenir dans une attitude proactive. Telle est ma conviction profonde. C'est de leur expérience que les modules de formation doivent se nourrir, raison pour laquelle c'est par le biais des coordinations sociales que les projets doivent être menés, selon moi. L'appel à projets sera lancé à cheval entre 2017 et 2018. Il sera ouvert à toutes les coordinations sociales et un budget de 500.000 euros lui sera consacré. Je me rappelle les discussions que nous avons eues avec Mme Moureaux sur les coordinations sociales, notamment lors des débats budgétaires. Vous constaterez que j'en ai tenu compte. L'automatisation des réductions de précompte ne relève pas de mes compétences. Je vous renvoie donc à M.Vanhengel. Cette question est très intéressante et il serait bon d'intensifier nos efforts de communication sur les avantages offerts en matière de logement, y compris ceux qui touchent à la fiscalité. J'ignore si vous avez déjà interrogé M.Vanhengel à ce propos. Tenez-moi informée de ce dossier.Quand je vous dis de me tenir au courant, c’est parce que je ne connais pas l'état de ce que vous allez déposer: est-ce une résolution ou une question? Je trouve l'idée de lier allocations familiales et bourses d'études intéressante, mais cela nécessite des accords de coopération. Nous entamerons les concertations avec les autres entités sur ce point une fois que nous aurons le modèle. 

Concernant le test d'impact sur la pauvreté, le projet d'ordonnance est relancé. Je souhaiterais disposer d'un nouvel outil, via l'ordonnance, pour 2018. Les erreurs à éviter consistent à générer des lourdeurs bureaucratiques et des blocages décisionnels. L'Observatoire de la santé et du social de Bruxelles-Capitale a produit un travail comparatif entre le Canada et la France, précisément pour éviter ces écueils. Il faudra en tenir compte."

Commission Affaires sociales du 11 octobre 2017 

Nous attendons donc le projet d'ordonnance sur le test d'impact de pauvreté et les suites des appels à projets pour les coordinations sociales. Nous avancerons aussi sur l'automatisation des réductions du précompte immobilier.

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